Les médailles du père Girard


Au tournant de la fin du XIXème siècle et du XXème siècle, un truculent personnage de La Séguinière dénommé le père Girard, fut photographié afin d'éditer une carte postale assez pittoresque, comme cela était la mode à l'époque.  Cette photo n'en finit pas d'interroger ceux qui la découvre pour la première fois.

 

                                  Le père Girard, un personnage haut en couleur

 

Cette figure du village arbore au revers de sa veste nombre de médailles. Il est en costume et porte un chapeau melon ainsi que des gants blancs. Comme le souligne la légende de la carte postale datant des années 1910, on le qualifie de "Vieux brave" sans aucune explication complémentaire. C'est alors que l'association Histoire et Patrimoine de la Séguinière tombant sur cette carte postale se pose des questions sur l'histoire de ce personnage dont on sait peu de choses. Est-il un ancien de la guerre de 1870 ? D'où lui viennent ces nombreuses récompenses qu'il arbore fièrement. Un appel  est lancé !

 

 

C'est alors que l'association reçoit un témoignage important.

 

Mme Chaumain Tresset, fait part des récits recueillis en 1965 auprès de sa grand-mère Marie Adolphine Joséphine Métayer, une ziniéroise née en 1882. Cette dernière aimait à raconter l'histoire du père Girard à sa propre famille, qu'elle présentait comme facteur. On lui doit le récit suivant assez savoureux quant à l'origine de cette prétendue bravoure du père Girard :

 

"Il avait fait vaguement un petit peu de service militaire dans un coin quelconque de l'Algérie. Il en était resté tout impressionné et il aimait parler de ce séjour et des rencontres qu'il avait faites avec des fauves. "J'ai vu le lion rugir sous l'olivier"disait-il. Il imitait avec des gestes de moulinets, une espèce de duel. En même temps, il avait une petite pointe de vanité. Un jour l'instituteur, et un ou deux camarades, ont dit ; "On va le griser, on va lui jouer un tour". Alors, ils lui écrivent, sur du papier (sur lequel Marie Métayer avait trouvé le moyen de faire mettre des cachets de la Mairie de Cholet), qu'il était décoré de l'Ordre de Chevalier de la Croupière par l'Empereur du Colorado et son ministre Braslevant. Ils ont bien cru qu'il allait prendre ça comme une plaisanterie de plus ou moins bon goût. Qu'il se serait fâché ça ne leur aurait pas déplu. Mais c'est qu'il a pris ça au sérieux. Ils avaient joint à cette attestation une boîte contenant de vieilles médailles agricoles. Il les portait les jours de procession et de réunions. Les titres de noblesse qu'on lui accordait ne passeraient qu'à l'enfant mâle, l'enfant aîné. "Alors, c'est ça, mon frère aura tout et moi j'aurai rin " disait sa fille. Les coupables de cette plaisanterie étaient un peu embêtés de le voir porter ces décorations dans les défilés, et l'un d'eux partit un jour en délégation pour le convaincre de ne plus les porter : "ce pourrait être ennuyeux...", mais il est monté sur ses grands chevaux et a menacé de le "foutre dans l'escalier" !

 

 L'association confie alors, à l'un de ses membres Gustave Bourreau, le soin d'effectuer les recherches généalogiques afin de retrouver la trace de ce personnage  pittoresque. Ce travail a permis de tomber sur la vraisemblable identité du Père Girard qui comptait un homonyme dans la région.

 Sur les listes de recensement de 1876 à La Séguinière est inscrit un chef de famille portant le nom de Girard à savoir :

       Jacques GIRARD (1828-1911) – tisserand – de son état, né à Saint André de la Marche, marié le 5 juillet 1857 à La Séguinière avec Victorine Eugénie BARRE, (1827-1902) née dans cette commune.

 Il semble, vu son âge et la photographie,  qu'il s'agit de cet homme, confirmé aussi par la présence de deux enfants dans le relevé de population :

 Victoire, 18 ans, lingère et Jacques âgé de 15 ans retrouvé plus tard comme facteur à Cholet, (héritage génétique peut être, ou opportunité) cité dans l'acte de naissance de sa nièce unique.

 Victoire (1858-1913) se marie en 1892 à La Séguinière avec Edouard Boudaud (1859-1939), le couple a un enfant Marie née à La Séguinière en 1895 et décédée "célibataire" à Baugé en 1976

 De Jacques le 2ème enfant, aucune trace de mariage n'est trouvée.

 Ainsi, l'espoir de glaner de nouveaux clichés réalisés lors de cérémonies familiales ou autres, s'anéantit par absence de descendance.

 Il s'avère donc que ces médailles dont la carte postale se fait l'écho,  n'a pas fini de faire sourire les Ziniérois.

 

18/01/2020